PETIT LEXIQUE DU CAP VERT, mots et expressions
- Marion - Escapades au Cap Vert
- 23 nov.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 nov.

Chaque pays, chaque région et donc chaque langue a ses expressions, des mots qui ne peuvent se limiter à une définition littérale, mais dont le sens est directement lié à la culture et à l’identité même du pays et de son histoire.
Je vous invite, grâce à ce petit dictionnaire, à découvrir un peu de la culture du Cap Vert.
A
ÂNE ; un des animaux les plus emblématiques du pays. il fait partie intégrante des paysages ruraux du Cap Vert. Introduit sur l’île par les colons portugais (l’île était inhabitée), l'âne fut indispensable pour transporter gens et marchandises, et contribuer au développement d'un pays d’origine volcanique, aux reliefs souvent très escarpés.
ARCHIPEL : le Cap Vert est composé de 10 îles, dont 9 sont habitées, Cet archipel, aux petites îles dispersées au milieu de l’océan, est un petit état insulaire africain. Il fut découvert par les Portugais vers 1460 et colonisé pendant 500 ans.
B
BADIU : utilisé autrefois pour qualifier l'esclave qui s'est échappé ou qu'on a libéré, le mot viendrait du portugais "vadio" qui signifie vagabond. Ce sont surtout les habitants des îles du sud et principalement l’île de Santiago, le berceau historique du Cap Vert et la plus africaine de l'archipel, qui se revendiquent de cette identité particulière liée à l'histoire de la traite négrière.
BATUQUE : Batuku en créole capverdien. Interdit pendant la colonisation et dénoncé par l’église catholique comme immoral, le Batuque est un genre de rythmes et de danses qui trouve son origine dans les racines africaines de l'esclavage.
Né sur l’île de Santiago, le berceau historique de la nation, le Batuque est exécuté par des femmes assises, qui percutent des étoffes posées sur leurs genoux, battent des mains et chantent, pendant que d'autres dansent frénétiquement, le pano (pièce d’étoffe tissée - voir la lettre P) autour des hanches. Le Batuque a retrouvé non seulement sa légitimité, mais il est aujourd’hui très populaire et indissociable des fêtes familiales et culturelles. Repris par beaucoup d'artistes du pays qui ont contribués à enrichir ce genre traditionnel, le Batuque reste un symbole fort de la résistance culturelle africaine.
C
CABO VERDE : en 2013, le gouvernement capverdien a informé les Nations Unies que le nom officiel serait désormais Cabo Verde. En français, République du Cabo Verde.
CABRAL (Amilcar) : leader révolutionnaire, stratège politique et théoricien brillant né en Guinée Bissau de parents capverdiens, Amilcar Cabral est la figure emblématique des luttes anticoloniales portugaises et une figure majeure du panafricanisme. Il est le cofondateur en 1960 du PAIGC (Parti Africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert) et s'engage dans la lutte armée.
Il sera assassiné le 20 janvier 1973 (jour férié au Cap Vert) à l'âge de 49 ans, 2 ans avant l’indépendance du pays qui se fera sans effusion de sang. Dans chaque ville du Cap Vert, une avenue, une place, une rue porte son nom. C'est le héros national.
CACHUPA : c'est le plat typique du Cap Vert, une sorte de ragoût longuement mijoté et confectionné à base de maïs, d’haricots, de quelques légumes, manioc et patate douce. Au poisson c'est la cachupa pobre, avec de la viande (porc, chorizo, viande fumée, saucisses), c'est la cachupa rica, avec bien sûr beaucoup de variantes.
Le lendemain, on la transforme en cachupa refogada, pour le petit déjeuner, poêlée avec des oignons, des œufs au plat et la linguiça (saucisse de porc fumée).
Plus qu'un plat, c'est un marqueur d'identité et un lien indéfectible pour les capverdiens exilés au quatre coins du monde.
CHÊVRES : adaptées au climat et à la végétation, elle sont introduites dès le début de la colonisation de l'archipel, elles étaient laissées en liberté et permettaient d'approvisionner les navires en viande fraîche. Malheureusement, elles ont aussi contribué fortement à la désertification des sols. Aujourd’hui, les élevages sont contrôlés et permettent la fabrication du queijo, le fromage au Cap Vert.

CAFÉ : Winston Churchill était paraît-il, un grand amateur de café capverdien. Venant du Brésil, le café fut introduit au Cap Vert à la fin du XVIIIe siècle. C'est surtout sur l’île de Fogo qu'il a trouvé les meilleures conditions de culture, à moyenne altitude, sur les pentes minérales du Pico do Fogo, le seul volcan encore en activité dans l'archipel. Dans les années 30, il fut considéré comme le meilleur café de l'empire colonial portugais.
Ce café totalement bio encore cueilli à la main, suscite aujourd’hui un regain d’intérêt.
D
DIASPORA : tout au long de son histoire, le Cap vert a connu une immigration massive, notamment vers les Etats Unis, le Sénégal et la Guinée Bissau, et bien sûr vers l'Europe et le Portugal. On dit que c'est la "onzième île de l'archipel". Cette diaspora représente aujourd’hui environ 700 000 personnes (dont plus de la moitié aux USA), bien plus que les 580 000 habitants du pays (chiffres 2024). La diaspora joue un rôle primordial dans l’économie , mais aussi dans la vie politique et les modes de vie.
DI TERRA : c'est ainsi que les capverdiens désignent ce qui est produit au pays, ce qui est local et naturel. Ils expriment ainsi leur attachement à leur terre natale.
E
ESCLAVAGE : inhabité avant l’arrivée des portugais en 1460, l'histoire de l'archipel commence par la traite négrière qui sera la base de l’économie pendant près de quatre siècles. Sa position au large des cotes africaines a scellé son destin tragique.
ESCUDO : c'est la monnaie nationale qui est aujourd’hui indexée sur l'euro. Sur le billet de 2000 escudos, le visage de l’emblématique Cesária Évora,

F
FAMINES : si les conditions de vie et le revenu moyen ont considérablement évolué, la famine fut longtemps une menace quasi permanente pour les habitants de l'archipel. Isolement, climat sahélien, pas d'eau douce dans certaines régions, pluies faibles et mal reparties, périodes de sécheresse, mauvaise gestion et absence d'aide alimentaire de l'administration portugaise, le pays a connu de nombreux épisodes tragiques, dont le plus meurtrier entre 1831 et 1833, causa 30 000 décès. De 1854 à 1856, 25% de la population est morte de faim. Mais celle qui reste encore dans la mémoire collective est la famine des années 40, période pendant laquelle environ 45 000 personnes sont décédées. En 1948, l'île de Santiago avait perdu 65% de sa population.
G
GROGUE : c'est le rhum du Cap Vert. On connait le rhum des Caraïbes ou de l'Océan Indien, mais qui connaît le rhum produit dans l'archipel ?
La canne à sucre fut une des premières cultures introduites, et le grogu (en capverdien), a rapidement pris une place importante dans la vie locale. Santiago, Santo Antão ou São Nicolau sont les iles principales de production en raison des vallées encaissées cultivées et de la présence d'eau douce.
Artisanal et souvent produit à l’échelle familiale, fin et aromatique, il est consommé pur et est très bon ! Aromatisé à base de fruits, il est appelé pontche.
H
HIACE : ces taxis collectifs Toyota blancs sillonnent les routes du pays. Essentiels pour une population dont la majorité n'a pas de voiture, le Hiace est plus qu'un transport en commun, c'est un véritable service à la personne.
K
KAMOKA : cette farine à base de grains de maïs grillés, est mélangée à du lait ou du yaourt, préparée en mousse ou glace. J'adore ce dessert au petit goût de noisette !
KRETCHEU : vous entendrez ce mot créole dans de nombreuses chansons au Cap Vert. Difficile de le traduire littéralement, mais c'est un terme qui décrit un sentiment d'amour, un attachement sentimental, une affection.
L
LUXEMBOURG : non seulement une importante communauté capverdienne vit au Luxembourg, mais le Grand Duché et le Cap Vert entretiennent des relations fortes et solides au travers d'accords de coopération politique et économique. Le Luxembourg est le principal partenaire économique et bailleur de fonds du pays.
M
MANDIGAS : ils défilent dans les rues de Mindelo (île de São Vicente) pendant le Carnaval. Vêtus de raphia et le corps couleur charbon, ils sont une attraction populaire, un symbole culturel incontournable du Carnaval de Mindelo.
L'origine la plus probable des Mandigas serait liée au passage à São Vicente dans les années 40, d'un groupe de guinéens, les Mandikas (Malinkés ou encore Mandingue), ethnie d'Afrique de l’Ouest. Leur musique et leur danse ont marqué la population de l’île qui s'est emparée de ces personnages.
Ils sont aujourd’hui un symbole de fierté et un héritage culturel des racines africaines.
MORABEZA : ce mot créole, difficile à traduire littéralement est surtout un état d’esprit, un état d’être, une manière de voir et de vivre les choses. C'est la douceur de vivre au Cap Vert, la gentillesse et l’hospitalité. C'est l’âme du Cap Vert.
MORNA : que serait le Cap Vert et les capverdiens sans la Morna ! C'est véritablement un symbole national, "une part existentielle de l’identité capverdienne", a dit Mario Lucio, artiste majeur et ancien ministre de la Culture. C'est un lien qui relie tous les capverdiens du monde entier. Cette musique, aux rythmes nostalgiques, aux mélopées indolentes, exprime tous les sentiments liés à l’exil, à la sodade (voir à la lettre S) et à l'amour.
Cette musique serait née sur l’île de Boa Vista au XIXe siècle.
La Morna est inscrite depuis 2019 au Patrimoine Immatériel de l’Unesco.
N
NO STRESS : c'est le devise du pays, un état d'esprit face à la vie. Depuis que je vis au Cap Vert, j'ai rarement vu les gens élever la voix, et observé peu d’agressivité sociale.

P
PANO : son apparition remonte aux temps heureusement révolus de l'esclavage. Profitant de l'introduction de la culture du coton sur l'île de Santiago, des esclaves, tisserands dans leur pays d'origine, reprirent ce savoir-faire ancestral et acquirent une belle réputation. Ces pagnes servirent même de monnaie d’échange aux négriers pour acheter des esclaves. Quel cynique paradoxe!
Le plus souvent noir et blanc, il est toujours tissé artisanalement (ne pas confondre avec des tissus venus de Chine !), surtout sur l’île de Santiago, et est utilisé pour le Batuque.
Boutique d'artisanat capverdien - Rue piétonne du Plateau - Praia île de Santiago
PORTUGAL : c'est le pays colonisateur. En 500 ans d'occupation, le Portugal a fortement influencé l’identité du pays. Le portugais est la langue officielle du Cap Vert, même si au quotidien, c'est le créole capverdien qui est utilisé. Si le Portugal est, sans surprise, une destination privilégiée pour l'immigration de nombreux capverdiens, il a été aussi la première étape migratoire vers d'autres pays européens comme la France, le Luxembourg et les Pays Bas.
Vivant majoritairement à Lisbonne, les capverdiens seraient environ 100 000. C'est la communauté étrangère la plus importante au Portugal après les brésiliens.
R
RIBEIRA : signifie vallée. Au Cap Vert, ce sont ces profondes vallées, alimentées par les cours d'eau, qui sont dédiées à l'agriculture et la culture maraîchère. Cela a donné naissance à de nombreux noms de villes ou villages. Ribeira Grande de Santiago (aujourd’hui Cidade Velha), Ribeira Grande de Santo Antão, Ribeira Brava, Ribeira Prata ...

SODADE : ce mot évoque tout de suite la chanson de Cesária Évora devenue un succès planétaire. Cette morna (voir à la lettre M) de São Nicolau, évoque la tristesse, le mal du pays, ce vague à l’âme singulier lié à l'exil, cet amour de la terre natale aussi ingrate soit-elle. La sodade capverdienne puise son inspiration dans la nostalgie de la saudade portugaise.
SEL : la présence de salines sur les îles orientales de Sal, Boa Vista et Maio marqua durablement l'histoire et l’économie du pays. L'exploitation de cette richesse naturelle appelée "or blanc" attira les navigateurs et les corsaires, et notamment les Anglais. On donna le nom de Sal à une île, la capitale de Boa Vista est Sal Rei (le sel royal) et la capitale de Maio fut appelée Porto Inglês en raison de la présence importante des navigateurs anglais. Aujourd’hui quelques salines sont toujours en activité mais produisent uniquement pour une consommation locale.

T
TORTUES : nombreuses dans les mers et sur les plages de l'archipel, elles ont longtemps été une source importante de protéines animales pour les équipages qui accostaient sur les îles, leur viande fraîche ou séchée étant très appréciée. Le Cap Vert abrite la troisième population la plus importante au monde de tortues marines Caretta Caretta (ou Caouannes) après la Floride et Oman. Aujourd’hui protégée, cette espèce est toujours menacée, non seulement en raison du braconnage et de la pêche artisanale, mais aussi de la pollution des océans et du développement touristique qui envahit certaines zones de nidification.
Au Cap Vert, fondations et associations locales et étrangères mettent en place des actions de protection et de sensibilisation.
Les tortues viennent nicher surtout sur les plages de Boa Vista et de Maio, de juillet à fin septembre. On peut les observer lors d'excursions encadrées par des guides et des naturalistes. C'est un spectacle fascinant et émouvant, que je ne suis pas prête d'oublier.
V
VOLCAN : si l'archipel du Cap Vert est d'origine volcanique, seul le volcan de l’île de Fogo, au sud de l'archipel, est encore en activité (dernières éruptions en 1995 et 2014). C'est aussi le point culminant du Cap Vert avec 2829 mètres d'altitude.
VIN : l'Afrique subsaharienne compte trois pays producteurs de vin, l'Afrique du Sud, l’Ethiopie et ... le Cap Vert ! C'est sur l’île de Fogo, sur les pentes du volcan que poussent les seules vignes de l'archipel, dans la Chã das Caldeiras.
C'est une viticulture jeune (120 ans d’existence) et qui gagne en reconnaissance grâce à une production de qualité.
Voila un petit tour du Cap Vert, en quelques mots et expressions qui caractérisent le plus ce "petit pays" aux îles dispersées au milieu de l’océan. Bien sûr, la liste aurait pu être beaucoup plus longue.
| Je vous souhaite une belle découverte du Cap Vert.


































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